Towards an Affinity of Hammers, un projet co-curaté avec Théo-Mario Coppola
Sous la curation de Théo-Mario Coppola, curateurx et critique d’art invitéx et d’Oriane Emery & Jean-Rodolphe Petter Co-Curateurices et Co-Directeurices du CALM – Centre d’Art La Meute, Towards an Affinity of Hammers [Vers une affinité de marteaux] est un projet curatorial constitué par une exposition collective et un programme public.
Barbara Hammer, The History Of The World According To A Lesbian, 1988, Courtoisie Estate of Barbara Hammer, New York; Electronic Arts Intermix (EAI), New York; et KOW, Berlin.
« Une affinité de marteaux ne suppose pas que nous serons automatiquement en phase avec celleux qui sont stoppé·e·x·s par ce qui nous permet de passer à travers les obstacles, même quand nous avons nous-mêmes fait l’expérience d’être stoppé·e·x·s. Nous devons faire de cette affinité un acquis. Voilà ce vers quoi nous tendons. » — Sara Ahmed*
Le titre du projet, Towards an Affinity of Hammers fait référence à « An Affinity of Hammers »* [Une affinité de marteaux], un essai influent de Sara Ahmed, figure éminente des études intersectionnelles et du féminisme abordant le bâillonnement et la censure des discours féministes critiques. À partir de l’idée selon laquelle « l’affinité peut s’acquérir en réduisant peu à peu à néant le système » en relation avec le fait d’endurer la transphobie et l’adversité, telles qu’analysées par l’autrice, le projet aborde des contextes idiosyncratiques où le pouvoir de la lutte est un véhicule permettant l’affirmation de sa propre existence.
Belinda Kazeem-Kamiński, In Search of Red, Black and Green, C-print sur Alu-Dibond, 2021, Kunsthalle Wien, photo : Manuel Carreon Lopez.
En tant qu’équipe curatoriale, nous avons conscience que donner voix à des pratiques esthétiques critiques, exigeantes et porteuses d’émancipation doit se faire dans une perspective résolument intersectionnelle. Nous appréhendons les causes de souffrance et de détresse et nous soulignons la force émotionnelle saisissante de la lutte dans ce qui rassemble plutôt que dans ce qui compartimente. La référence au marteau met l’accent sur l’outil de travail, son impact puissant par son utilisation répétitive, le bruit et l’énergie qu’il génère, ainsi que les métaphores, comparaisons et équivalents qu’il évoque. Par le martèlement comme processus, nous apprenons la patience de la lutte, son humilité et la joie d’être lié·e·x·s à d’autres luttes. En même temps nous reconnaissons d’autres luttes qui confluent jusqu’à nous. Dans un effort inlassable, nous nous accordons, comme le feraient les membres d’une même formation musicale, à la partition et à l’interprétation d’une grande révolution mondiale ou d’un agrégat de soulèvements nombreux et hétéroclites.
Le martèlement est une manifestation de l’insistance tenace qui caractérise les mouvements de lutte, les initiatives de résistance et les contestations de longue durée, contrairement aux événements ponctuels, spectaculaires et retentissants qui définissent le plus souvent le discours et la représentation du soulèvement. Ici, le temps et l’action ne sont pas appréhendé·e·s comme des instants distincts et particuliers. Iels sont plutôt envisagé·e·s comme faisant partie d’un flux continu qui traverse de nombreuses vies, convergeant vers une dimension plus large qui s’élève au-delà de l’individualité et de l’ego, et qui traduit un état d’être en commun et son caractère interconnecté. Dans les œuvres choisies, l’affirmation de soi et la reconnaissance de l’autre, et l’esprit insurgé qui les accompagnent, se reflètent tour à tour dans le destin individuel, le travail collectif, la solidarité communautaire, la perte partagée, le deuil éprouvé avec d’autres, qu’il s’agisse d’une expérience intime ou de celle d’une autre personne ou d’un groupe.
Léna Sophia Bagutti-Khennouf, R.u.in.es - version XS, 2025, photo : Sigfredo Haro.
Ce projet en tant que tel pourrait être considéré comme une forme de martèlement exhortant au respect inconditionnel d’autrui, à l’amélioration des conditions de vie des plus vulnérables et à la solidarité en priorité envers les personnes exposées à des risques dans tous les aspects de la vie, y compris l’art en tant que lieu de travail, de production et de discours. Towards an Affinity of Hammers se veut également un hommage à la persévérance des principes et à l’obstination par le biais de l’action, lesquelles sont autant de rappels que l’histoire n’a pas de terme, que la lutte se répète et se perpétue dans le petit qui devient grand, et que l’individualité peut converger vers une réalisation collective.
Théo-Mario Coppola et Oriane Emery & Jean-Rodolphe Petter
*Ahmed, Sara, « An Affinity of Hammers », in Talia M. Bettcher et Susan Stryker, eds., Trans/Feminisms, Transgender Studies Quarterly (TSQ), volume 3, numéro 1-2, mai 2016.
Graphisme : Mat* Avogadro
Remerciements
Le CALM – Centre d'Art La Meute remercie ses principaux partenaires le Cinéma Bellevaux et le Cinéma Spoutnik pour les projections et rencontres dans le cadre du programme de Towards an Affinity of Hammers, ainsi qu’Art Genève pour la soirée spéciale autour du travail d’Elisabeth Subrin, pour la table ronde sur l’éthique dans le monde de l’art, et l’ECAL pour l’intervention d’Elisabeth Subrin.
L’équipe curatoriale du projet remercie chaleureusement les practicien·ne·x·s et les entités qui représentent et distribuent leurs œuvres, notamment l’Estate de Barbara Hammer et Electronic Arts Intermix à New York, le Fonds Municipal d’Art Contemporain à Genève, la Galerie Hubert Winter à Vienne, KOW à Berlin, Manifest Pictures à Paris, Portugal Film à Lisbonne et Video Data Bank à Chicago.
Le CALM – Centre d’Art La Meute remercie la Ville de Lausanne, la Ernst und Olga Gubler-Hablützel Stiftung, le Fonds Cantonal d’Art Contemporain Genève, le Canton de Vaud, le Bundesministerium Wohnen, Kunst, Kultur, Medien und Sport d’Autriche, l’ECAL – École cantonale d’art de Lausanne et Art Genève pour leur généreux soutien au projet.